Les 405 en visite au musée historique de Villèle (Saint-Paul, Ile de La Réunion)/ Visiting the historical Villèle museum (Saint-Paul, Reunion island)

PA090007Le 9 octobre, les 405 ont visité le musée historique de Villèle, situé à proximité du collège. Celui-ci est installé sur un ancien domaine colonial. C’est un vaste ensemble patrimonial évoquant la prospérité d’une grande famille de colons. 406 esclaves travaillaient sur cette propriété en 1845.

Komeshwar vous présente l’ancienne propriétaire, Mme Desbassayns (1755-1856):

La maison de maîtres/ The master house

Cette grande bâtisse en pierre et en brique, achevée en 1788, s'inspire d'un modèle d'architecture de Pondichéry. Ce comptoir français, situé au sud-est de l'Inde, entretient au XVIIIème siècle d'étroites relations commerciales avec l'île Bourbon. Après la destruction du comptoir par les anglais en 1761, les maisons y sont reconstruites en s'inspirant du goût néoclassique alors à la mode en France.  Construite sur deux niveaux, la maison Panon-Desbassayns se caractérise par un plan rectangulaire dit « plan massé », une toiture-terrasse en argamasse pour le séchage du café, une distribution symétrique des éléments de la façade et des pièces intérieures, la présence d'un fronton sur la façade Est et de deux varangues à lourdes colonnes sur la façade Ouest.

Cette grande bâtisse en pierre et en brique, achevée en 1788, s’inspire d’un modèle d’architecture de Pondichéry. Ce comptoir français, situé au sud-est de l’Inde, entretient au XVIIIème siècle d’étroites relations commerciales avec l’île Bourbon. Après la destruction du comptoir par les anglais en 1761, les maisons y sont reconstruites en s’inspirant du goût néoclassique alors à la mode en France. Construite sur deux niveaux, la maison Panon-Desbassayns se caractérise par un plan rectangulaire dit « plan massé », une toiture en terrasse recouverte d’en enduit étanche (l’argamasse) pour le séchage du café, une distribution symétrique des éléments de la façade et des pièces intérieures, la présence d’un fronton sur la façade est et de deux varangues à lourdes colonnes sur la façade ouest.

 

PA090020 Nous avons visité dans un premier temps le rez-de-chaussée de la maison, qui présente des éléments du mobilier du patrimoine familial ainsi que des objets acquis ultérieurement.

L’entrée/ The entry

Dans l’entrée, un arbre généalogique retrace l’histoire familiale. Nous avons appris que l’ancêtre de la famille, Augustin Panon, né à Toulon, était un menuisier-charpentier travaillant pour la Compagnie des Indes. Il s’installe sur l’île Bourbon à la fin du XVIIème siècle et se lance dans l’agriculture. Son petit-fils, Henri Paulin Panon hérite d’un immense territoire à la ravine St-Gilles. Il sera surnommé « Desbassayns » en raison de la présence de plusieurs bassins sur sa propriété. Il se marie avec une riche héritière réunionnaise, Marie Anne Thérèse Ombline Gonneau, connue sous le nom de Madame Desbassayns. Elle administre seule la propriété après la mort de son mari en 1800, aidée par deux de ses fils, Joseph et Charles, qui seront les précurseurs de l’industrie sucrière sur l’île. Après la mort de Mme Desbassayns en 1846, la propriété sera administrée par les descendants de Jean-Baptiste de Villèle, un aristocrate originaire de Toulouse marié à l’une des filles Desbassayns.

Arbre généalogique / Family tree

Arbre généalogique / Family tree

Le petit salon/ The small lounge

Nous pénétrons ensuite dans le petit salon. C’était autrefois une varangue qui a été fermée pour créer une pièce supplémentaire. Celle-ci contient quelques meubles d’époque et des lithographies de Louis Antoine Roussin représentant des personnages et paysages de l’île. Le sol est constitué d’un parquet finement ouvragé à partir de bois de l’île.

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Aux XVIIIème et XIXème siècles, le Manchy est couramment utilisé comme moyen de transport.

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Fauteuil, XIXème siècle. Les menuisiers coloniaux s’inspirent des modèles européens mais adaptent les matériaux (bois de pallissandre) et la structure (cannage).


Le bureau/ The office

La visite se poursuit par le bureau. Cette petite pièce contient un secrétaire ainsi que divers objets évoquant la traite.

Notre guide Valérie évoque la traite régionale et les deux principaux types d’esclaves acheminés sur l’île:

Carte de l'Afrique. La grande majorité des esclaves de l'île Bourbon proviennent de Madagascar et de la côte orientale de l'Afrique. Cependant,  dans le cadre du trafic commercial le long de la route des Indes, certains esclaves sont parfois prélevés dans d'autres régions, notamment en Afrique de l'Ouest et en Inde.

Carte de l’Afrique (Sanson, cartographe du roi, 1706) . La grande majorité des esclaves de l’île Bourbon proviennent de Madagascar et de la côte orientale de l’Afrique. Cependant, dans le cadre du trafic commercial le long de la route des Indes, certains esclaves sont parfois prélevés dans d’autres régions, notamment en Afrique de l’Ouest et en Inde.

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Le secrétaire de Mme Desbassayns. A côté, une statuette du corsaire Surcouf, qui a participé à la traite  à la traite des noirs  pour l'île Bourbon.

Le secrétaire de Mme Desbassayns. A côté, une statuette du corsaire Surcouf, qui a participé à la traite à la traite des noirs pour l’île Bourbon.

Entraves

Entraves

Navire négrier

« L’Ouragan », Brick négrier de 1830. Capacité: 300 esclaves. Au XIXème siècle, les navires de faible tonnage, maniables et rapides, ont la faveur des trafiquants, surtout après l’interdiction de la traite en 1817.

La chambre/ The bedroom

Nous entrons ensuite dans l’intimité de Mme Desbassayns en découvrant sa chambre…

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Commode à trois tiroirs, achetée par Henry-Paulin Panon-Desbassayns lors d’un voyage à Paris en 1792. Style et époque Louis XVI.

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Tabouret bidet en bois et porcelaine dure du XVIIIème siècle. Compagnie des Indes, Extrême-Orient.   Ces motifs de porcelaine en bleus et blancs sont des pièces prisées dans les grandes demeures réunionnaises.

Tabouret bidet en bois et porcelaine dure du XVIIIème siècle. Compagnie des Indes, Extrême-Orient. Ces porcelaines ornées de motifs en bleu et blanc sont des pièces prisées dans les grandes demeures réunionnaises.

Le grand salon/ The large lounge

Cette pièce de réception témoigne de la richesse et du rang social de la famille Desbassayns.

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Plafond à caisson

Plafond à caisson

Lithographie de Sarda Garriga. Celui-ci est envoyé sur l'île pour y appliquer le décret sur l'abolition de l'esclavage, c'est chose faite le 20 décembre 1848. Les travailleurs engagés vont alors remplacer la main d'oeuvre servile.

Portrait de Sarda Garriga (lithographie). Celui-ci est envoyé sur l’île pour y appliquer le décret sur l’abolition de l’esclavage; c’est chose faite le 20 décembre 1848. Les travailleurs engagés vont alors remplacer la main d’oeuvre servile. Depuis 1983, le 20 décembre est un jour de fête férié et chômé à la Réunion.

La salle à manger/ The dining room

 

Cette grande pièce aux murs lambrissés pouvait accueillir quelques convives. Des mets raffinés étaient servis: potage à la tortue, nids d’hirondelle, cari de buffle de Madagascar, faisans de Pondichéry, poulets cochinchinois, mouton du Cap…

En revanche, dans le camp, le repas des esclaves se compose exclusivement de maïs, de manioc et de légumes secs, pois et haricots.

 

 

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L’office/ The service room

L’office est une petite pièce attenante à la salle à manger. Elle est réservée au service de la table.

L’office est une petite pièce attenante à la salle à manger. Elle est réservée au service de la table.

Dans cette pièce est exposée une lithographie d'Antoine Louis Roussin représentant Edmond Albius. Ce dernier, né esclave à Sainte-Suzanne en 1829, est connu pour avoir inventé la technique de pollinisation de la vanille. Grâce à cette découverte,  l'île devient pour un temps le premier producteur de cette épice.

Lithographie d’Antoine Roussin. Portrait représentant Edmond Albius. Ce dernier, né esclave à Sainte-Suzanne en 1829, est connu pour avoir inventé à l’âge de 12 ans la technique de pollinisation de la vanille. Grâce à cette découverte, l’île devient pour un temps le premier producteur de cette épice.

La cuisine/ The kitchen

Pour éviter les risques d’incendie, la cuisine est séparée de la maison. Les repas se préparaient au feu de bois dans l’âtre de la grande cheminée. Les esclaves domestiques utilisaient des ustensiles en bois, en pierre (basalte), en fonte pour préparer le repas des maîtres. Le repas des esclaves se préparait dans une autre cuisine, non localisée à ce jour.

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L’usine sucrière/ The sugar factory

 

La Sucrerie fut construite entre 1825 et 1827 à l’initiative de Mme Desbassayns, sur les conseils de ses fils Charles et Joseph. Avec la crise du café, la perte de St-Domingue puis de l’île de France, les planteurs de Bourbon se lancent alors dans la culture intensive de la canne à sucre.

La sucrerie des Desbassayns est conçue comme une usine modèle dans le quartier de Saint-Paul.  Elle fonctionne avec une nouvelle énergie : la vapeur. On peut observer aujourd’hui une cheminée, des pans de murs en pierre et des restes de machines.

 

 

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On peut lire sur ces restes de machine l’inscription « Fawcett & C. Liverpool ». Il s’agit d’une entreprise de fonderie britannique, connue au début du XIXè siècle pour ses machines à sucre et ses moteurs équipant les premiers bateaux à vapeur. C’est un témoignage de l’entrée précoce de l’île dans l’âge industriel.

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L’hôpital des esclaves/ The slaves hospital

L’ hôpital des esclaves a été construit dans la première moitié du XIXème siècle. Ce bâtiment modeste est construit en moellons et recouvert d’une toiture en bardeaux. Un décret du 3 juin 1834 portait obligation aux maîtres de construire un hôpital dès lors qu’ils avaient plus de 25 esclaves sur leur propriété.

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Toiture en bardeaux (planchettes en bois)

L'hôpital contient un mémorial constitué de pierres en basalte sur lesquelles ont été sérigraphiés les noms, âges et fonctions des esclaves. Chaque esclave portait uniquement un prénom, attribué souvent par le maître. On peut distinguer les esclaves par leur fonction : les noirs « de pioche » effectuent les travaux les plus pénibles, notamment dans les champs. Les domestiques et les esclaves à talents (charpentier, forgeron...) ont un sort un peu plus enviable. Les femmes sont souvent affectées aux travaux de tissage ou de garde des enfants. Les commandeurs sont des esclaves chargés de surveiller le travail de leurs congénères. Certains esclaves sont signalés comme « marrons ». Il s'agit d’esclaves en fuite.

L’hôpital contient un mémorial constitué de pierres en basalte sur lesquelles ont été sérigraphiés, à partir d’un recensement de 1824, les noms, âges et fonctions des esclaves. Chaque esclave portait uniquement un prénom, attribué souvent par le maître ou l’administration coloniale. On peut distinguer les esclaves par leur fonction : les Noirs « de pioche » effectuent les travaux les plus pénibles, notamment dans les champs. Les domestiques et les esclaves à talents (charpentier, forgeron…) ont un sort un peu plus enviable. Les femmes sont souvent affectées aux travaux de tissage ou de garde des enfants. Les commandeurs (hommes ou femmes) sont des esclaves chargés de surveiller le travail de leurs congénères. Certains esclaves sont signalés comme « marrons ». Il s’agit d’esclaves en fuite.

 

 

L’hôpital contient aussi plusieurs panneaux traitant des formes de résistances à la servitude comme le marronnage.

Le mot marron  est encore couramment utilisé à La Réunion dans le langage quotidien et désigne une activité clandestine, illégale ou non déclarée ou parfois une forme de liberté retrouvée : « école marron, taxi marron, plante marron, chat marron… ».

Le mot dériverait de l’espagnol « cimarron » qui signifie fugitif. Le « code noir », appliqué à partir de 1723 à la Réunion, prévoyait pour les marrons capturés divers sévices corporels (marques au fer rouge, oreilles ou jarret coupés ) voire la mort.

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A proximité de l’hôpital:

 

Komeshwar au milieu des caféiers.

Komeshwar dans la cafetterie.

Le café est la principale culture d'exportation au XVIIIème siècle. Elle est associée au développement de l’esclavage et a fait la fortune de la famille Desbassayns

Le café est la principale culture d’exportation de l’île Bourbon au XVIIIème siècle. Elle est associée au développement de l’esclavage et a fait en partie la fortune de la famille Desbassayns.

 

Portrait d'un esclave originaire du Mozambique, portant des scarifications rituelles.

Portrait d’un esclave originaire du Mozambique, portant des scarifications rituelles.

La chapelle pointue/ The church

Eva et Maëlle devant la chapelle pointue:

Ce monument a été construit à partir de 1841 par Mme Desbassayns. Il se caractérise par une rotonde surmontée d’un tambour octogonal en bois qui supporte une haute et élégante toiture en flèche surmontée d’une croix. Cette chapelle devait être un lieu de culte, à la fois pour les habitants des hauts et les esclaves. Elle devait contribuer à l’évangélisation de ces derniers. Elle renferme la plaque tombale de Mme Desbassayns.

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Le pavillon d’accueil/ The reception pavilion

Alan présente le pavillon d’acceuil:

Ce type de maison traditionnelle dit « maison pavillon » est apparu dans les années 1730. Elle se caractérise par un plan massé, une toiture à 4 pans dit « toiture à la française ». Le soubassement est constitué de moellons sur lesquels est construit une ossature en bois recouverte de planches ou lambris. La toiture et les façades sont recouvertes de planchettes en bois appelées « bardeaux ». A l’époque de Mme Desbassayns, cette maison logeait peut-être le régisseur qui supervisait l’organisation des travaux sur la propriété.

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La maison en 1973

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Façade en bardeaux

Façade en bardeaux

Dans le pavillon, nous avons pu observer des objets du patrimoine conservés dans une pièce appelée « réserve du musée » :

Ces perles servaient de monnaie d'échange lors des activités de traite

Perles de traite en verre retrouvées dans l’océan Indien au large de Maurice. Premier quart du XIXème siècle. Ces perles servaient de monnaie d’échange lors des activités de traite.

Fusil de François Mussard, le célèbre chasseur de marrons

Ce fusil aurait été offert par le Roi à François Mussart, célèbre chasseur de marrons.

Guitare qui aurait appartenu à Célimène Gaudieux, (1807-1864). Née d'un père libre de couleur et d'une mère esclave, elle est affranchie en même temps que sa mère en 1811.  Célimène Gaudieux s'est fait connaître dans l'auberge de la Saline qu'elle tenait avec son mari, grâce aux chansons d'une grande liberté de ton qu'elle compose, interprète et accompagne à la guitare. En hommage à sa mémoire, notre collège porte aujourd'hui son nom.

Guitare qui aurait appartenu à Célimène Gaudieux, (1807-1864). Née d’un père libre de couleur et d’une mère esclave, elle est affranchie en même temps que sa mère en 1811. Célimène Gaudieux s’est fait connaître dans l’auberge de la Saline qu’elle tenait avec son mari, grâce aux chansons d’une grande liberté de ton qu’elle compose, interprète et accompagne à la guitare. En hommage à sa mémoire, notre collège porte aujourd’hui son nom.

Les cases des esclaves/ The slaves houses

Les cases ou paillottes étaient regroupées dans un camp aujourd’hui disparu dont l’emplacement correspond au centre actuel du quartier de Villèle. Les matériaux étaient collectés sur place ou dans les environs : ravines, savane et forêt. L’ossature et la charpente étaient faites de bois de choca, de troncs et de branches. Les poteaux porteurs étaient plantés directement dans le sol et pourrissaient rapidement. Pour les cloisons et ouvertures, on employait les feuilles de vétiver, la paille de canne à sucre ou les herbes de la savane reliées en bottes. Le sol des cases était en terre battue. Le lit, lorsqu’il existait, était constitué d’un cadre de bois avec des pieds plantés dans le sol et d’une paillasse en toile de jute (ou goni).

Case reconstituée par l'association "Kan Villèle" lors du 160ème anniversaire de l'abolition de l’esclavage.

Case reconstituée par l’association « Kan Villèle » lors du 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage.

La glacière du Grand Bénare/ The Grand Bénare icehouse

Pour finir, Alan s’est rendu quelques jours plus tard sur un site lié à l’histoire du domaine Panon-Desbassayns : la glacière du Grand Bénare.

A 2500 mètres d’altitude, des esclaves du domaine se rendaient sur ce site pour y chercher de la glace qui se forme dans des réservoirs d’eau naturels. Emballée dans des sacs de jute, elle était descendue jusqu’à l’habitation où on l’utilisait pour les soins médicaux ou la fabrication de boissons glacées ou sorbets.

Les pentes du Grand Bénare (« grand froid » en malgache) constituent aussi un site célèbre du marronage.

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Remerciements: Jean Barbier, conservateur du musée; le personnel pour leur disponibilité et efficacité.

Sources: documentation mise à disposition par le musée, site internet du musée ; Bernard Leveneur, Petites histoires de l’architecture réunionnaise.De la Compagnie des Indes aux années 1960, Ed. du 4 Epices, 2007. Publication de l’association Kan Villèle, Imprimerie NID, Saint-Denis, mars 2011.

 

 

 

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