Le 9 octobre, les 405 ont visité le musée historique de Villèle, situé à proximité du collège. Celui-ci est installé sur un ancien domaine colonial. C’est un vaste ensemble patrimonial évoquant la prospérité d’une grande famille de colons. 406 esclaves travaillaient sur cette propriété en 1845.
Komeshwar vous présente l’ancienne propriétaire, Mme Desbassayns (1755-1856):
La maison de maîtres/ The master house
Nous avons visité dans un premier temps le rez-de-chaussée de la maison, qui présente des éléments du mobilier du patrimoine familial ainsi que des objets acquis ultérieurement.
L’entrée/ The entry
Dans l’entrée, un arbre généalogique retrace l’histoire familiale. Nous avons appris que l’ancêtre de la famille, Augustin Panon, né à Toulon, était un menuisier-charpentier travaillant pour la Compagnie des Indes. Il s’installe sur l’île Bourbon à la fin du XVIIème siècle et se lance dans l’agriculture. Son petit-fils, Henri Paulin Panon hérite d’un immense territoire à la ravine St-Gilles. Il sera surnommé « Desbassayns » en raison de la présence de plusieurs bassins sur sa propriété. Il se marie avec une riche héritière réunionnaise, Marie Anne Thérèse Ombline Gonneau, connue sous le nom de Madame Desbassayns. Elle administre seule la propriété après la mort de son mari en 1800, aidée par deux de ses fils, Joseph et Charles, qui seront les précurseurs de l’industrie sucrière sur l’île. Après la mort de Mme Desbassayns en 1846, la propriété sera administrée par les descendants de Jean-Baptiste de Villèle, un aristocrate originaire de Toulouse marié à l’une des filles Desbassayns.
Le petit salon/ The small lounge
Nous pénétrons ensuite dans le petit salon. C’était autrefois une varangue qui a été fermée pour créer une pièce supplémentaire. Celle-ci contient quelques meubles d’époque et des lithographies de Louis Antoine Roussin représentant des personnages et paysages de l’île. Le sol est constitué d’un parquet finement ouvragé à partir de bois de l’île.
Le bureau/ The office
La visite se poursuit par le bureau. Cette petite pièce contient un secrétaire ainsi que divers objets évoquant la traite.
Notre guide Valérie évoque la traite régionale et les deux principaux types d’esclaves acheminés sur l’île:
La chambre/ The bedroom
Nous entrons ensuite dans l’intimité de Mme Desbassayns en découvrant sa chambre…
Le grand salon/ The large lounge
Cette pièce de réception témoigne de la richesse et du rang social de la famille Desbassayns.
La salle à manger/ The dining room
Cette grande pièce aux murs lambrissés pouvait accueillir quelques convives. Des mets raffinés étaient servis: potage à la tortue, nids d’hirondelle, cari de buffle de Madagascar, faisans de Pondichéry, poulets cochinchinois, mouton du Cap…
En revanche, dans le camp, le repas des esclaves se compose exclusivement de maïs, de manioc et de légumes secs, pois et haricots.
L’office/ The service room
La cuisine/ The kitchen
Pour éviter les risques d’incendie, la cuisine est séparée de la maison. Les repas se préparaient au feu de bois dans l’âtre de la grande cheminée. Les esclaves domestiques utilisaient des ustensiles en bois, en pierre (basalte), en fonte pour préparer le repas des maîtres. Le repas des esclaves se préparait dans une autre cuisine, non localisée à ce jour.
L’usine sucrière/ The sugar factory
La Sucrerie fut construite entre 1825 et 1827 à l’initiative de Mme Desbassayns, sur les conseils de ses fils Charles et Joseph. Avec la crise du café, la perte de St-Domingue puis de l’île de France, les planteurs de Bourbon se lancent alors dans la culture intensive de la canne à sucre.
La sucrerie des Desbassayns est conçue comme une usine modèle dans le quartier de Saint-Paul. Elle fonctionne avec une nouvelle énergie : la vapeur. On peut observer aujourd’hui une cheminée, des pans de murs en pierre et des restes de machines.
L’hôpital des esclaves/ The slaves hospital
L’ hôpital des esclaves a été construit dans la première moitié du XIXème siècle. Ce bâtiment modeste est construit en moellons et recouvert d’une toiture en bardeaux. Un décret du 3 juin 1834 portait obligation aux maîtres de construire un hôpital dès lors qu’ils avaient plus de 25 esclaves sur leur propriété.
L’hôpital contient aussi plusieurs panneaux traitant des formes de résistances à la servitude comme le marronnage.
Le mot marron est encore couramment utilisé à La Réunion dans le langage quotidien et désigne une activité clandestine, illégale ou non déclarée ou parfois une forme de liberté retrouvée : « école marron, taxi marron, plante marron, chat marron… ».
Le mot dériverait de l’espagnol « cimarron » qui signifie fugitif. Le « code noir », appliqué à partir de 1723 à la Réunion, prévoyait pour les marrons capturés divers sévices corporels (marques au fer rouge, oreilles ou jarret coupés ) voire la mort.
A proximité de l’hôpital:
La chapelle pointue/ The church
Eva et Maëlle devant la chapelle pointue:
Ce monument a été construit à partir de 1841 par Mme Desbassayns. Il se caractérise par une rotonde surmontée d’un tambour octogonal en bois qui supporte une haute et élégante toiture en flèche surmontée d’une croix. Cette chapelle devait être un lieu de culte, à la fois pour les habitants des hauts et les esclaves. Elle devait contribuer à l’évangélisation de ces derniers. Elle renferme la plaque tombale de Mme Desbassayns.
Le pavillon d’accueil/ The reception pavilion
Alan présente le pavillon d’acceuil:
Ce type de maison traditionnelle dit « maison pavillon » est apparu dans les années 1730. Elle se caractérise par un plan massé, une toiture à 4 pans dit « toiture à la française ». Le soubassement est constitué de moellons sur lesquels est construit une ossature en bois recouverte de planches ou lambris. La toiture et les façades sont recouvertes de planchettes en bois appelées « bardeaux ». A l’époque de Mme Desbassayns, cette maison logeait peut-être le régisseur qui supervisait l’organisation des travaux sur la propriété.
Dans le pavillon, nous avons pu observer des objets du patrimoine conservés dans une pièce appelée « réserve du musée » :
Les cases des esclaves/ The slaves houses
Les cases ou paillottes étaient regroupées dans un camp aujourd’hui disparu dont l’emplacement correspond au centre actuel du quartier de Villèle. Les matériaux étaient collectés sur place ou dans les environs : ravines, savane et forêt. L’ossature et la charpente étaient faites de bois de choca, de troncs et de branches. Les poteaux porteurs étaient plantés directement dans le sol et pourrissaient rapidement. Pour les cloisons et ouvertures, on employait les feuilles de vétiver, la paille de canne à sucre ou les herbes de la savane reliées en bottes. Le sol des cases était en terre battue. Le lit, lorsqu’il existait, était constitué d’un cadre de bois avec des pieds plantés dans le sol et d’une paillasse en toile de jute (ou goni).
La glacière du Grand Bénare/ The Grand Bénare icehouse
Pour finir, Alan s’est rendu quelques jours plus tard sur un site lié à l’histoire du domaine Panon-Desbassayns : la glacière du Grand Bénare.
A 2500 mètres d’altitude, des esclaves du domaine se rendaient sur ce site pour y chercher de la glace qui se forme dans des réservoirs d’eau naturels. Emballée dans des sacs de jute, elle était descendue jusqu’à l’habitation où on l’utilisait pour les soins médicaux ou la fabrication de boissons glacées ou sorbets.
Les pentes du Grand Bénare (« grand froid » en malgache) constituent aussi un site célèbre du marronage.
Remerciements: Jean Barbier, conservateur du musée; le personnel pour leur disponibilité et efficacité.
Sources: documentation mise à disposition par le musée, site internet du musée ; Bernard Leveneur, Petites histoires de l’architecture réunionnaise.De la Compagnie des Indes aux années 1960, Ed. du 4 Epices, 2007. Publication de l’association Kan Villèle, Imprimerie NID, Saint-Denis, mars 2011.